Rivierre : Rester dans les clous
Elle n’a pas levée des millions d’Euros, elle n’est pas ce que l’on peut considérer une start-up, elle ne fait pas partie des secteurs dits d’avenir, et pourtant, elle s’impose dans le monde entier depuis des décennies, et nous croisons ses produits chaque jour, mais de quoi, de qui parle-t-on ?
Eh bien de la clouterie Rivierre (www.clous-rivierre.fr), fondée en 1888 à Creil dans les Hauts de France par Théodore Rivierre, vendéen de naissance, qui après avoir obtenu un brevet pour une nouvelle technique de fabrication des clous à partir de fils de métal, élaborée avec l’aide d’un pointier (fabricant de pointes) du nom de Oscar Watteuw, décida donc de s’installer dans cette ville fortement industrialisée, à même d’y trouver une main d’œuvre qualifiée, mais aussi une gare ferroviaire de premier ordre en termes de transport de marchandises, pouvant répondre aux commandes pressenties et souhaitées par son créateur.
Et réalisées, car son savoir-faire fut rapidement reconnu, notamment sur le marché dit des semences (petits clous pyramidaux), utilisés en cordonnerie et en tapisserie, et dont les catalogues de l’ensemble de sa production, se retrouvèrent également de l’autre côté de l’Atlantique.
Malheureusement, cette course vers la consécration s’arrêta quelques années plus tard, avec le décès de son créateur en 1900, à l’âge de 44 ans, laissant en cela son entreprise orpheline.
Malheureusement, cette course vers la consécration s’arrêta quelques années plus tard, avec le décès de son créateur en 1900, à l’âge de 44 ans, laissant en cela son entreprise orpheline.
Mais heureusement pas pour longtemps, car sa femme, Marie Rivierre, âgée de 25 ans seulement, décida de remplacer son défunt mari, ce qui à l’époque n’était pas commun, en prenant les rênes de l’entreprise, lui donnant une impulsion telle, que durant 35 ans, de nouveaux brevets furent déposés, son succès international ne se démentira pas, et qu’à l’orée de la 1ère guerre mondiale, à laquelle elle participera (l’entreprise), indirectement, en fabriquant justement des semences pour l’armée, son usine comptera près de 400 ouvriers, à la manœuvre pour utiliser plus de 1 000 machines à clous.
Par la suite, et avant de quitter définitivement l’entreprise en 1935 au profit de la société des Forges et Aciéries de Commercy, fournissant près de 85 % du marché français de la semence, elle se diversifiera en 1922, en rajoutant à son site de production une tréfilerie, se lancera dans la production de clous avec des chevilles en laiton et en acier, devenant par la suite une société anonyme en 1925 sous l’appellation « La Société des Etablissements Théodore Rivierre ».
Cependant, ce passage de témoin ne sera pas de tout repos, puisque durant la 2ème guerre mondiale, le site de l’usine, proche de la gare ferroviaire de la ville de Creil, sera fortement endommagé par les bombardements successifs, mais aussi, débuta un long déclin de l’activité, conséquence de la concurrence et de l’utilisation de plus en plus souvent de colles en cordonnerie, et d’agrafes en tapisserie.
Mais, après avoir quitté le giron de son propriétaire (voir plus haut) en 1989, et être racheté en 2006 par son directeur, l’entreprise, toujours installée sur son site d’origine (voir plus haut), est plus que jamais axé sur son domaine de prédilection, proposant encore aujourd’hui à son catalogue plus de 2 800 clous différents, élaborés sur les mêmes métiers (plus de 300) construits par les ouvriers à la fin du XIXème siècle et au début du XXème, adaptés désormais avec les moyens technologiques actuels, lui permettant de produire à des cadences aussi rapide que ses principaux concurrents, venant vous l’imaginez bien, de Chine, en capacité, on le sait bien, de produire en très grand nombre.
Et l’attribution en 2007 du label national « Entreprise du patrimoine vivant », lui apportera une reconnaissance plus que mérité à ce savoir-faire désormais unique en France, mais à même de répondre à des exigences du monde d’aujourd’hui, ainsi qu’aux attentes de ses clients, fidèles, avec la particularité par exemple de reproduire à l’identique des modèles plus qu’anciens, comme pour la restauration du fort Vauban de la ville de Besançon, à la recherche de clous similaires à ceux utilisés durant sa construction, en 1680.
Par-contre, si après ce sujet, vous souhaitez vous procurer pour votre usage personnel divers modèles de ces clous, il faut savoir qu’ils ne sont pas vendus dans les magasins de bricolage, mais essentiellement aux professionnels, spécialisés, vous le savez à présent dans la tapisserie, la décoration ou la cordonnerie, mais aussi dans la construction d’engins de chantier, de maquettes ferroviaires, d’instruments de musique, la maroquinerie, la coutellerie, ou encore dans les éléments réfrigérants, fervents utilisateurs des carvelles, bossettes, goujons, rivets, pointes en maillechort ou laiton, et autres clous annelés, modèles incontestés* de ce fabriqué en France plus que centenaire, qui soit dit en passant, est visible chaque année durant les « Journées européennes du patrimoine ».
* https://www.clous.eu/Vocabulaire/
Jacques Samela
Sources :
. www.clous-rivierre.com/histoire-usine/
. Wikipedia
. www.picardiegazette.fr/article/clouterie-rivierre-la-derniere-clouterie-de-france