La Banque de France, au service de l'Etat
A l’ère naissante et balbutiante de l’Euro, on pourrait penser que cette institution nationale qu’est la Banque de France, n’y a plus toute sa place, or il s’avère que son rôle est loin d’être négligeable, je vous en reparlerai plus tard, mais avant, sa création et son histoire.
Créée par le consul Napoléon Bonaparte le 28 nivôse an VIII, soit le 18 janvier 1800, suite à une proposition d’un financier suisse du nom de Jean-Frédéric Perregaux, fondateur lui d’une banque de dépôts appelée la « Caisse des comptes courants », et dont l’idée était de remettre au goût du jour l’émission de papier-monnaie, délaissé alors par les français, au profit des pièces d’or ou d’argent. Ces premiers billets seront imprimés à l’encre noire, sur un papier filigrané, et sur une seule face.
C’est donc par décret que la Banque de France fût finalement créée, avec un pécule de 30 millions de francs de l’époque, apporté par de riches bourgeois, ainsi que par le premier consul, témoignage de sa confiance en cette nouvelle institution.
Elle deviendra donc la seule institution bancaire en France à posséder ce droit d’émission, limité tout d’abord à Paris, avec au final une confiance retrouvée de la part des français vers les billets de banques, et un statut, celui de banque centrale.
Elle aidera même les français à se remettre au travail, après les années difficiles de la révolution, encourageant le commerce et l’industrie, facilitant les emprunts, et augmentant la quantité de monnaie en circulation.
Cependant, loin de faire l’unanimité, l’empereur Napoléon, afin d’y affirmer son autorité, y désignera un gouverneur et deux sous-gouverneurs, garant d’une mainmise de l’Etat au détriment de l’assemblée des actionnaires, initialement créé et appelé comité central, ayant dès l’origine un droit de nomination des directeurs de banque.
L’avènement de cette banque centrale permit également d’assurer une certaine stabilité monétaire, pas toujours assurée pat l’Etat, ainsi que de se soustraire aux grands banquiers quant à leur difficulté de se lancer dans de grandes opérations non rentables rapidement, préférant la sécurité d’une action collective appuyée par celle-ci et donc le gouverneur, ce qui fait qu’elle devint vite autonome, s’appuyant plutôt sur l’impératif de stabilité financière que sur des pressions gouvernementales.
Et de par le décret impérial du 16 janvier 1808, les opérations de la Banque de France seront régis par ses statuts fondamentaux, et ce jusqu’en 1936, avec l’ouverture de plus de 250 succursales dans toute la France, étendant son privilège d’émission de billets, définitivement acquise en 1865.
Elle fût par la suite nationalisée en 1936 par le gouvernement du Front populaire, estimant que le contrôle de la monnaie ne devait être du ressort d’intérêts purement privés, avant une nouvelle nationalisation en 1945, et ce malgré un rôle plutôt exemplaire durant la seconde guerre mondiale, refusant au gouvernement collaborationniste de Vichy, de céder aux allemands l’ensemble de ses réserves d’or, qui soit dit en passant, furent dès 1933 envoyées vers des succursales situées à proximité des côtes françaises (Brest, Toulon), avant l’envoi cette fois-ci, et ce jusqu’en juin 1940 vers la Banque royale du Canada, la Réserve fédérale américaine, ou encore vers Dakar et les Antilles françaises. Elles seront rapatriées intégralement en France en 1946.
Aujourd’hui donc, la Banque de France, à l’heure de l’Euro, est toujours la banque centrale nationale française, indépendante de l’état depuis 1994, elle est chargée de veiller à la bonne qualité de la monnaie en circulation, d’assurer la stabilité financière, devenant en cela une banque des banques, soit un organe de compensation, et une ultime réserve de crédit pour le système bancaire.
Et désormais, étant placée sous la tutelle de la Banque centrale européenne (BEI) depuis 1998, elle intègre le Système européen de banques centrales (SEBC), réunissant l’ensemble des banques centrales nationales (BCN) des états membres de l’UE.
Elle participe également à différentes instances internationales comme le Fonds monétaire international, où les deux composantes de la Banque mondiale que sont la banque internationale pour la reconstruction et le développement, et l’association internationale de développement, y représentant au mieux les intérêts de la France.
Sans oublier également ses trois missions que sont la stratégie monétaire, en établissant par exemple la balance des paiements de la France, en mettant en œuvre les décisions de politique monétaire de la BCE, en gérant une partie des réserves de change de la même BCE, elle fabrique et gère aussi ce que l’on appelle la monnaie fiduciaire.
Ensuite, la stabilité financière (déjà vu plus haut), avec le contrôle des banques et des assurances, en fournissant son personnel à l’Autorité de contrôle, la surveillance du système financier, ainsi que des systèmes et moyens de paiement.
Et pour finir, les services à l’économie, dont la gérance des moyens de paiement du Trésor et de quelques entreprises publiques, la collecte et la mise à disposition d’informations financières à l’adresse des entreprises, et à destination des particuliers cette fois-ci, avec le maintien de fichiers d’incidents de paiement (recensement de chèques perdus ou volés, incidents de paiements).
Sans oublier une particularité qu’elle a su garder depuis de nombreuses années, voire depuis sa création, qui est d’avoir à sa disposition un outil capable d’assurer la conception et la production de billets, figurant parmi l’une des seules rares banques centrales assurant encore l’ensemble des étapes du processus de production et de la fabrication du papier, jusqu’à l’impression des billets, avec notamment deux sites industriels, situés l’un à Vic Le Comte, pour la papeterie, et l’autre, à Chamalière, pour l’imprimerie, en cours de regroupement, permettant cette fois-ci d’avoir sur un même lieu, un outil de production de grande qualité, et le plus moderne de la zone Euro.
Alors, deux cents ans de bons et loyaux services, ne l’empêche en rien de regarder ailleurs ce qui s’y passe, notamment à l’échelle internationale, où une activité de trading est mise en œuvre depuis les années 90, afin de conforter son positionnement sur la place de Paris, mais aussi justement dans les instances européennes et mondiales, avec par exemple un bureau à New York, lui permettant notamment de dialoguer plus aisément avec la Réserve fédérale, lui conférant une place prépondérante et de piliers au G20, avec comme souhait pour le futur, que la Banque de France devienne également la banque centrale des marchés au sein de l’Eurosystème, ce qui à l’orée du Brexit, permettrait peut-être à la France, de devenir le pays phare et incontournable de la finance européenne, après Londres, et ce même si Francfort n’a pas dit son dernier mot. Réponse en 2019 ?
Mais avant cela, souhaitant sensibiliser les dirigeants des TPE et des PME à la gestion financière, la Banque de France a imaginé un jeu, actuellement à l’essai en Haute-Savoie, permettant à ceux-ci de se familiariser à la gestion et à l’analyse financière, mais justement d’un point de vue ludique, plus à même certainement de faire comprendre aux créateurs d’entreprises, les arcanes des démarches qu’ils seront amenés à réaliser, tout en leur permettant également de découvrir, mais aussi de comprendre finalement le fonctionnement d’une banque face à des situations auxquelles ils pourraient être confrontés.
Donc, si l’idée vous tente, le jeu devrait être commercialisé cet automne, et même si vous n’êtes pas entrepreneur, vous serez peut-être intéressé par le sujet au moins.
Jacques Samela
Sources :
. Wikipédia
. Les Echos du 09 juillet 2018
La Banque de France se prend au jeu
20 Juil 2018 / Ecomedia.com
Pour sensibiliser les dirigeants à la gestion financière, l’établissement a imaginé un jeu. Expérimenté en Haute-Savoie, il a fait l’unanimité.
« C’est super ce jeu ! Ca ressemble vraiment à la vie de l’entreprise. A un détail près, quand même : là, le banquier dit toujours oui ! » Adrien Uguet, dirigeant du cabinet d’architectes paysagistes Uguet (Fillinge) et tout nouveau président du CJD Léman, ne tarit pas d’éloges sur le jeu développé par la Banque de France (au niveau national) et testé en avant première lors des Oséades haut-savoyardes, début juin.
Un jeu destiné à familiariser les patrons de TPE et PME avec les principes de base de la gestion et de l’analyse financière. Dans le rôle d’un dirigeant d’entreprise, chaque joueur dispose d’un plateau divisé en deux parties : d’un côté le compte de résultat, avec charges et produits ; de l’autre le bilan, avec l’actif (immobilisation, stocks, créances clients et trésorerie) et le passif (capitaux propres, emprunts, dettes, découvert).
Comprendre le langage et les attentes de son banquier
Tous les joueurs démarrent à égalité. A chaque tour, chacun d’eux pioche une carte qui lui offre une opportunité, dont il connaît le coût et les retombées potentielles (un peu comme pour les terrains et les hôtels au Monopoly) et qu’il peut saisir ou refuser : recrutement, publicité, investissement dans l’outil de production… Il pioche également une carte “événement”, qui entraîne un coût, un manque à gagner ou une recette imprévu(e) et plus ou moins conséquent(e). Comme dans la vraie, remporter la partie, c’est-à-dire présenter la meilleure situation financière, est alors un mélange de compétence, de prise de risque et de chance.
« Ce jeu permet de voir rapidement les personnalités de chacun : les fonceurs, ceux qui sont davantage dans la réflexion, les très prudents… Et si l’on joue à plusieurs sur le même plateau, cela permet aussi de se mettre dans la position d’associés et de voir les avantages et les inconvénients de ne pas être tout seul à faire les choix »
Magaly Schleifer,
service “entreprises” de la Banque de France Haute-Savoie
Ludique, le jeu permet de bien rôder les novices aux concepts de base de la gestion financière. Mais il n’est pas seulement à visée pédagogiques théoriques. « Il sert aussi à mieux comprendre le langage des banquiers, expliquent Philippe Azéma et Magaly Schleifer, du service entreprises de la Banque de France Annecy, qui a piloté les tests du jeu en Haute-Savoie. En maîtrisant mieux les concepts financiers, l’entrepreneur est plus à même de comprendre ce que regarde le banquier dans son dossier et ce qu’il en attend. »
Retard dans l’accès au crédit
L’enjeu n’est pas mince car les TPE sont en retard en matière d’accès au crédit : seulement 66% d’entre elles ont accès aux crédits de trésorerie, contre 85% pour les PME et pour le crédit à l’investissement c’est 80% contre 95% indique les statistiques de la Banque de France.
« Il y a des explications objectives : les TPE sont souvent des structures plus récentes et plus fragiles financièrement. Mais il y a aussi une question d’accompagnement et de structuration : faute de DAF (directeur des affaires financières) ou de conseiller spécialisé leur dossier de demande de prêt peut être moins bien présentée, ce qui peut être pénalisant », explique Philippe Azéma, responsable du service « entreprises » à la Banque de France.
Rien d’étonnant alors que la Banque de France, qui cherche en plus à gommer son image d’organisme répressif et inaccessible au profit d’un visage de conseiller au service de l’économie locale, ait mis en place depuis 2016 un réseau de «correspondants TPE» avec des relais dans chaque département.
« Trop de dirigeants s’agacent du comportement de leur banquier, sans essayer de se mettre à sa place : avec ce jeu de la Banque de France, on perçoit mieux ses attentes et, surtout, on prend conscience de l’intérêt de bien communiquer avec lui. Il ne faut pas aller voir son banquier au dernier moment, quand il n’y a plus le choix. Mais au contraire bâtir une relation régulière et de confiance. »
Adrien Uguet, dirigeant d’entreprise (cabinet Uguet architectes paysagistes)
et président du CJD Léman
Commercialisation à la rentrée
Ce jeu devrait être commercialisé en France à partir de l’automne 2018, via une entreprise spécialiste des jeux de plateau. Les premières cibles sont les lieux de formation et de rencontre des dirigeants : écoles et centres de formation, associations patronales, structures de filières, réseaux d’aide à la création… Soit à des fins de formation soit pour animer des événements (le jeu à un vrai côté ludique). Plus largement le grand public ou les structures d’aide sociale (mieux gérer un budget familial) sont aussi visés.
« Ce jeu est très visuel. Au point que j’ai accroché un plateau de jeu au mur de mon bureau, pour pouvoir le regarder souvent ! C’est comme si on avait mis un décodeur entre mon banquier et moi ! »
Adrien Uguet