L’histoire du groupe Dassault (www.dassault-aviation.com) commence en 1916 pendant la grande guerre, avec le sous-lieutenant Marcel Ferdinand Bloch, alors jeune ingénieur de 24 ans mobilisé au sein de l’entreprise Caudron, afin de coordonner la fabrication du bombardier Caudron G3, avant d’être affecté à la réception des essais en vol des avions Farman.
Constatant le mauvais rendement des hélices, il décide de son propre chef de concevoir un prototype d’hélice plus performante, qu’il élaborera chez un fabricant de meuble du faubourg Saint-Honoré à Paris, la maison Hirch Minckès.
Dès les premiers essais, les performances de cette nouvelle hélice sont vite reconnues, et une première commande de 150 unités est passée, c’est donc le vrai début de l’aventure avec l’hélice Eclair. Affecté à sa fabrication, il y sera rejoint par son ami Henry Potez, autre pionnier de l’aviation française.
Surfant sur ce succès, et afin d’obtenir un rendement susceptible de répondre aux besoins croissants de l’aviation naissante, une société est créée avec l’apport de la société Hirch Minckès, la Société des Hélices Eclair, dont Marcel Bloch et Henry Potez en seront les directeurs techniques.
Ces nouvelles hélices équiperont donc les Caudrons G3, l’avion de reconnaissance britannique, le Sopwith, les biplans de reconnaissance Dorand AR, et surtout les avions de chasse Spad, dont celui du célèbre as français, Georges Guynemer, le Spad S. VII.
Cette société deviendra très rapidement l’un des quatre grands fabricants d’hélices français, sachant qu’à l’époque il en existait déjà près de quarante.
Mais au de-là d’une réponse à une problématique technique, leur dada, c’est l’aéronautique, d’où en 1917, la création de la Société d’Etudes Aéronautiques (SEA) à Suresnes, chargée de concevoir un biplan de chasse, le SEA IVC2, tellement performant, qu’il fut commandé à 1 000 exemplaires par l’armée.
Cependant, malgré ces réussites, non négligeables certainement pour la victoire, la fin de la guerre occasionne pour une bonne partie de ces entreprises, ayant pris le train de l’aéronautique, un coup d’arrêt, poussant notamment Marcel Bloch vers le commerce de meuble, l’immobilier ou encore la carrosserie automobile, et Henry Potez, à créer sa propre entreprise.
Mais, ayant toujours cette passion chevillée au corps, c’est à la faveur de la création du ministère de l’air en 1928, que Marcel Bloch reviendra dans le domaine de l’aéronautique, en créant la société des avions Marcel Bloch, décrochant dès 1931 une commande de 20 avions sanitaires Bloch MB 80/81, suivi par l’élaboration de nombreux avions militaires et civils. Quatre ans plus tard, sa société comptera déjà 700 personnes.
Un an plus tard, à l’occasion du Front populaire, son usine est nationalisée, incorporée à la Société nationale des constructions aéronautiques du sud-ouest (SNCASO), société mixte où l’état est majoritaire, et dont il deviendra l’administrateur. Mais, parallèlement, et dû certainement à cet état de fait, il créer la Société Anonyme des Avions Marcel Bloch (SAAMB), un bureau d’études aéronautiques, qui par ses succès, changera de catégorie, en se dotant de ses propres usines, trois en tout.
Durant la 2ème guerre mondiale cette fois-ci, juif, il y perd ses usines, arrêté en octobre 1940, il est interné administratif par le gouvernement collaborationniste de Vichy, avant d’être arrêté en 1944 par la Gestapo et déporté au camp de concentration de Buchenwald comme prisonnier politique.
A son retour, se remettant lentement, il fait changer son patronyme en Dassault (1949), déformation du nom de code « char d’assaut », pseudonyme de son frère le général Darius Paul Bloch, utilisé dans la résistance. La légende de l’aéronautique française commence.
En effet, à l’origine des premiers avions militaires à réaction français avec l’Ouragan en 1949, dont le MD 450 obtiendra ses premiers succès en Inde et en Israël, la série des Mystères de 1952 à 1955, dont le Mystère II deviendra le premier avion français à franchir le mur du son, et le Mystère IV, acheté par les Etats-Unis dans le cadre d’un accord de l’Otan (225 appareils), l’Etendard en 1956, dont son successeur, le Super Etendard équipera les porte-avions de la marine nationale (le Foch et le Clémenceau), le Jaguar en 1968, collaboration industrielle entre la France et la Grande-Bretagne, et enfin le programme Mirage, commencé par le Mirage III en 1956, le Mirage IV en 1959, composante aéronautique de la dissuasion nucléaire française, le Mirage F1 en 1966, qui lui marquera le passage à Mach 2, avant de passer au dernier de la famille, le Mirage 2000 (1978) et ses dérivés, et dont la durée de vie devrait se prolonger jusqu’en 2030.
Mais sans bien évidemment oublier le programme Rafale (voir le dossier du 17 février 2015), initié en 1988, et prenant sa pleine mesure aujourd’hui, avec notamment les premières ventes à l’export (110 appareils), suivies d’autres dans le futur, étant en compétition dans plusieurs pays.
Quant à son fondateur, après avoir évité une nouvelle nationalisation en 1981 avec l’élection de François Mitterrand, il décède en 1986 à l’âge de 94 ans, laissant à son fils, Serge Dassault, les rênes d’un groupe familial à la pointe de l’aéronautique mondiale, au même titre que ses concurrents, notamment américains.
Aujourd’hui, le groupe Dassault entend donc toujours continuer à faire des avions civils et militaires, même si actuellement l’aviation dite d’affaires patine un peu, compensé heureusement par les ventes du Rafale, lui permettant d’éviter les affres d’une baisse du chiffre d’affaires équivalente à 14 % pour l’année 2016, synonyme d’une baisse d’activité, mais avec la possibilité de mettre à disposition les techniciens travaillant sur les Falcon vers les chaines de production du Rafale, qui l’air de rien concerne déjà près de 7 000 emplois directes et 500 sous-traitants français, tout en attendant de nouveaux contrats, synonyme là d’embauches futurs.
Ce qui fait dire que malgré ces embuches, ces incertitudes, inhérentes à tous secteurs et entreprises, l’avenir s’annonce malgré tout toujours dans les traces de son créateur, avec des projets toujours plus innovants comme le système de transport spatial Vehra, pouvant lancer des satellites en orbite basse, et ce après avoir travaillé dans les années 80 sur la navette européenne Hermès, projet malheureusement abandonné, le drone de combat Neuron, primé en 2014 par le magazine américain Aviation Week (www.aviationweek.com) dans la catégorie Défense, et dont l’objectif est de préparer les programmes du futur dans le domaine des drones de combat, comme celui du projet franco-britannique appelé « FCAS – Future Combat Air System », censé remplacés dans un avenir pas si lointain les avions de chasse d’aujourd’hui, même si j’imagine que les techniciens du groupe réfléchissent déjà au successeur du Rafale, mais aussi à l’éventualité d’élaborer un Falcon supersonique, considéré par son PDG, Eric Trappier, comme faisable, même si aujourd’hui, dans un cadre purement réglementaire, l’autorisation de voler serait loin d’être acquise.
Donc, ce centenaire n’est pas prêt de prendre sa retraite, préparant même avec frénésie ses cent prochaines années, ce que l’on pourra certainement vérifier durant le Salon du Bourget (www.siae.fr) qui ouvre ses portes ce jour. J’y vais de ce pas.
Jacques Samela
Sources :
. Industrie & Technologies du 19/04/16
. Les Echos du 31/05/16 et du 23/09/16
. Les Echos du 09/03/17
. La Tribune du 09/03/17
A lire :
. L’aventure Dassault. Edition de la Martinière