Ynsect, InnovaFeed, Tomojo, le trio de tête de la coléocuture

Publié le par Jacques SAMELA.

Ynsect, InnovaFeed, Tomojo, le trio de tête de la coléocuture
Ynsect, InnovaFeed, Tomojo, le trio de tête de la coléocuture

Je ne sais pas vous, mais moi, manger des insectes, à moins d’y être obligé cause famine exceptionnelle par exemple, il y aura du temps avant que je n’y consente.

Et pourtant, quand on y pense un moment, au de-là de la préservation de la planète, qui devient quand même chaque jour de plus en plus primordiale, avec la quasi obligation de nourrir l’ensemble de la planète dans les années à venir,  qui plus est quand nous aurons atteint le seuil tant redouté des 10 milliards d’individus, il va bien falloir trouver des solutions.

C’est certainement, et surement, une question d’habitudes, car ne mangeons-nous pas des crevettes, qui ressemblent à s’y méprendre à des crickets, des escargots, des huitres, et j’en passe ?

L’Asie (du sud-est surtout ?) semble il est vrai être précurseur en la matière, et je me souviens de reportages sur les tribus d’Amazonie, se délectant de gros vers blancs, mais bon.

Mais bien évidemment cela ne concerne que moi, car d’autres, et notamment en France, se sont décidés eux à miser sur ce qui semble être l’or de demain, censé répondre à l’augmentation (+ 70 %) de la production alimentaire globale pour faire face aux besoins de la population mondiale, humaine bien évidemment, mais aussi animale, car les animaux d’élevage consomment déjà aujourd’hui 20 % des protéines mondiales.

Alors, qui sont donc ces acteurs, français je me répète, et qui semblent prendre une longueur d’avance sur leurs principaux concurrents ?

Le premier, par ordre de création j’entends, jamais de favoritisme dans mes sujets, s’appelle donc Ynsect (www.ynsect.com), et il a été créé en 2011 par 4 personnes d’horizons divers (Antoine Hubert, Jean-Gabriel Levon, Fabrice Berro, Alexis Angot), mais avec la même envie, nourrir la population mondiale, préserver les ressources et la diversité, et lutter contre le réchauffement climatique grâce à l’élevage et à la transformation des insectes.

Et quelle réussite, car 10 ans après sa création, et sa dernière levée de fonds en octobre dernier, lui permettant d’atteindre en tout et pour tout plus de 300 millions d’Euros d’apport global, un record mondial dans le secteur agricole, surtout pour une société non américaine, lui donnera l’occasion de concrétiser son grand projet, soit la construction de la plus grande ferme verticale du monde, du côté d’Amiens dans les Hauts de France, appelée une « fermilière », car rappelant à ses instigateurs la structure d’une fourmilière, avec ses réseaux de tunnels superposés les uns sur les autres de manière justement verticale.

Mais là, ce ne seront pas des fourmis, mais les larves des deux espèces phares de leur projet initial que sont le Tenebrio molitor, et l’Alphitobius diaperinus, plus communément connu sous l’appellation vers de farine. Ce qui, vous le verrez par la suite, ne sera pas forcement le même choix chez les deux autres protagonistes du sujet.

Donc, concernant Ynsect, le choix s’est donc porté sur ce ver de farine, qui est vous ne le savez peut-être pas, le rejeton du scarabée, considéré comme le nec plus ultra pour répondre aux challenges alimentaires de demain.

Déjà utilisé dans l’alimentation des animaux domestiques, les zoos, ou encore la pisciculture, il est composé à plus de 70 % de protéines de haute qualité, mais surtout, il possède des nutriments essentiels à la santé animale donc, mais aussi humaine, car il contient des acides gras polyinsaturés Oméga 6 et des vitamines.

Il peut même être utilisé comme fertilisant, appelé « le Frass », pour les plantes et les cultures, assurant un rendement supérieur de 35 %.

Mais pour revenir à son utilisation dans l’alimentation humaine, il faut savoir que le produit fini, sous forme de farine, pouvant être utilisé comme ingrédients protéinés dans les pâtes, le pain, les biscuits, hautement digestible, et manifestement anti cholestérol,  vient de recevoir l’avis favorable de l’Autorité européenne de la sécurité européenne (EFSA) en janvier dernier, ultime verrou peut-être à la pérennisation de la coléoculture dans l’agriculture de demain, nom donné à cette nouvelle activité.

Activité qui s’européanise déjà avec le rachat ce mois-ci du Néerlandais protifarm, lui assurant dès à présent un  site de production, mais aussi 37 brevets, avant certainement le grand saut par de-là l’Atlantique, où soit dit en passant, l‘acteur Robert Downey Jr, celui d’Iron Man, a récemment fait l’éloge de leurs produits durant l’émission du Late Show. Belle entrée en matière sur le sol américain.

Vu et lu dans Les Echos du 07/10/20
Vu et lu dans Les Echos du 07/10/20

Vu et lu dans Les Echos du 07/10/20

Sol américain que la société InnovaFeed (www.innovafeed.com), le deuxième protagoniste de ce sujet convoite également, avec pour lui un contrat de commercialisation déjà acté avec le groupe cargill (www.cargill.fr), afin de proposer des protéines d’insectes pour le domaine de l’aquaculture, mais aussi, et ce après avoir effectué lui aussi une levée de fonds importante en novembre dernier, de 140 millions d’Euros, soit un mois après celle d’Ynsect, la possibilité d’envisager la construction d’une usine aux Etats-Unis, à Decatur (Illinois) plus précisément, au siège même du groupe américain, géant de l’agroalimentaire, ADM (Archer-Daniels-Midland Company), lieu du plus gros site de transformation de maïs au monde, avec qui un partenariat a été signé, afin d’y produire 60 000 tonnes de protéines d’insectes, soit quatre fois celle de l’usine de Nesle, également dans les Hauts de France, qui ne produit aujourd’hui que 15 000 tonnes.

Créé en 2016, dans une salle de bain, selon la légende écrite par Clément Ray, l’un des fondateurs et actuel président, sa première usine est montée à Gouzeaucourt, également dans les hauts de France, devenant l’air de rien un fief de cette industrie du futur, où, grâce à l’Hermetia Illucens, ou plus précisément la mouche soldat noire, je vous l’avez dit, chacun sa petite bête, elle put rapidement élaborer ces produits phares que sont bien évidemment la farine de protéine, vendue notamment à la filière d’élevage de poisson,  notamment en collaboration avec le groupe Auchan, de l’huile, pour les volailles et les porcins, ainsi que des engrais produits avec les résidus de production.

Et comme il va bénéficier du Plan de Relance à hauteur de 4,5 millions d’Euros, InnovaFeed va pouvoir réorienter sa production, en la généralisant à l’usine de Nesle, transformant en cela le site historique de Gouzeaucourt en laboratoire à idées, avant de s’attaquer à d’autres marchés porteurs dans les années à venir, comme par exemple l’Asie du sud-est, continent il est vrai où l’utilisation des insectes et autres petites bêtes est vraiment plus avancé que chez nous. De bien belles perspectives.

Egalement pour le 3ème protagoniste de ce sujet, la société Tomojo (www.tomojo.co), créée elle en 2017 par deux amies d’enfance que sont Madeleine Morley et Paola Teulières, et qui également a effectué une levée de fonds en octobre dernier de 500 000 Euros, bien moindre il est vrai que ces deux autres congénères, mais qui, au regard de son nombre d’années d’existence n’est pas si mal.

Quoique cette jeunesse ne l’a en rien empêché de connaître le succès rapidement, en effet, ses croquettes pour chiens et chats, c’est sa particularité, pour l’instant, se vendent déjà très bien à l’étranger, de la Corée du sud en passant par l’Afrique du sud, l’Allemagne, l’Espagne, ou encore les Emirats Arabes Unis, augmentant significativement sa production, en passant de 10 tonnes en 2019 à plus de 50 tonnes en 2020, avec comme objectif cette année d’atteindre les 300 tonnes.

Chiffre que ne devrait pas mécontenter son partenaire industriel, Sauvale Production (www.sauvaleproduction.com), spécialiste de la fabrication d’alimentation animale, et en charge de la transformation de l’ensemble des ingrédients de ses croquettes, soit 80 % de mouches soldats noirs, 20 % de Tenebrio molitor (rappelez-vous), complétées par des protéines végétales.

Surtout qu’au regard de ce marché, dont l’industrie réaliserait en France 1,6 milliards d’Euros de chiffre d’affaires, avec à nourrir plus de 20 millions d’animaux, ingurgitant près de 400 000 tonnes de sous-produits de viande par an, il est fort à parier qu’une place est à prendre. Ce qui je crois ne manqueront pas de vouloir faire les jeunes créatrices.

Vu et lu dans Les Echos du 19/02/21

Vu et lu dans Les Echos du 19/02/21

Bon, je ne sais pas vous, mais même après la rédaction de ce sujet, je suis encore réticent à tester ces produits, même si cela est du « Fabriqué en France ». Par-contre, que les leaders de ce marché colossal en devenir soient justement français, cela me plait bien plus.

Donc qu’ils continuent sur leur lancée, leur avenir semble tout tracé, car l’alimentation de l’humanité toute entière est déjà en jeu.

Jacques Samela

 

Sources :

. https://fr.wikipedia.org/wiki/%C5%B8nsect

. https://www.alliancy.fr/antoine-hubert-ynsect-industriels-impliquer-deeptech-francaise?utm_source=Email&utm_medium=Newsletter&utm_campaign=NewsletterAlliancy&utm_content=20210415

. https://www.usine-digitale.fr/article/foodtech-ynsect-avale-le-neerlandais-protifarm-pour-conquerir-le-marche-de-l-alimentation-humaine.N1083339

.  https://www.frenchweb.fr/proteines-dinsectes-innovafeed-recolte-140-millions-deuros-aupres-de-temasek-et-creadev/410099?utm_source=FRENCHWEB+COMPLETE&utm_campaign=8bb116c7ab-EMAIL_CAMPAIGN_2019_07_16_AM_COPY_01&utm_medium=email&utm_term=0_4eb3a644bc-8bb116c7ab-106733281

. https://www.lesechos.fr/pme-regions/hauts-de-france/innovafeed-le-specialiste-des-proteines-dinsectes-leve-140-millions-deuros-1266451

. https://www.economiecirculaire.org/data/sources/users/3047/innovafeed-en-bref.pdf

. https://www.lobservateur.fr/cambresis/2021/03/25/gouzeaucourt-lentreprise-innovafeed-prend-son-envol/

. https://www.usinenouvelle.com/article/made-in-france-tomojo-veut-imposer-les-insectes-dans-les-croquettes-de-vos-chiens-et-chats.N1017504

. https://bpifrance-creation.fr/entrepreneur/temoignage-invite/tomojo-croquettes-aux-insectes-chiens-chats

. https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/comment-la-france-est-devenue-pionniere-dans-lelevage-dinsectes-1163807

 

A lire :

. https://tastefranceforbusiness.com/fr/proteines-dinsectes-les-start-up-francaises-veulent-nourrir-le-monde/

Publié dans L'entreprise du mois

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