Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L’Opéra Garnier, quand le rideau se lève

Publié le par Jacques SAMELA.

L’Opéra Garnier, quand le rideau se lève
Photo de C. Samela

Photo de C. Samela

Après l’interview, imaginaire de la Tour Eiffel, et avant les Journées européennes du patrimoine, me voici donc avec un autre monument phare de Paris, j’ai nommé l’Opéra de Paris ou Opéra Garnier ou encore Palais Garnier, c’est selon, et c’est parti.

Jacques Samela. Bonjour, je me présente, Jacques de Compétitivité In France

Opéra Garnier. Bonjour, enchanté de vous recevoir, surtout après l’entrevue de ma grande amie La Tour Eiffel que j’ai particulièrement appréciée

JS. Merci. Je souhaitais justement avant l’ouverture des Journées européennes du patrimoine, rencontrer un autre monument phare de la scène parisienne, et bien évidemment j’ai pensé à vous.

OG. Je vous en remercie, commençons donc sans attendre alors, j’ai du monde qui m’attend ce weekend.

JS. Allons-y. Vous venez de fêter vos 350 années d’existence, que pouvez-vous nous en dire ?

OG. Eh bien que cela a commencé tout d’abord en 1661 avec le roi Louis XIV, qui décida de créer l’Académie royale de danse, mais effectivement, c’est surtout en 1669, sous l’égide de Colbert, informé qu’en Italie de multiples académies appelés Opéras avaient été créés, que fût ouvert l’ Académie royale de Musique, sous la tutelle du roi bien sûr, rassemblant en son sein une troupe de chanteurs, le 1er orchestre professionnel de France, et aussi le corps de ballet de l’Académie royale de danse, précédemment créé.

JS. Et tout cela toujours au même endroit qu’aujourd’hui ?

OG. Non, car avant d’être où nous sommes aujourd’hui, ce sont onze lieux différents qui m’accueillirent. Des salles de la Bouteille de 1670 à 1672, à celle du Jeu de Paume de 1672 à 1673, en passant par la porte Saint-Martin de 1781 à 1794, et pour finir, à la salle le Peletier de 1821 à 1873.

JS. Avant d’être donc sur cette fameuse place de l’Opéra

Art et Décoration n° 543 de septembre 2019
Art et Décoration n° 543 de septembre 2019

Art et Décoration n° 543 de septembre 2019

OG. En effet, dû notamment à l’attentat perpétré à l’époque (14 janvier 1858) par l’anarchiste italien Félice Orsini contre l’empereur Napoléon III devant la façade de l’Opéra de l’époque, qui, sans pour autant le toucher directement, grâce notamment à un blindage astucieux sous le carrosse impérial, et même si l’impératrice Eugénie, fût retrouvée couverte de sang, mais saine et sauve, ne les empêcha en rien à participer comme si de rien n’était à la représentation prévue, et l’empereur, peut-être pour éviter de laisser une trace maculée de sang, décida dès le lendemain de construire une nouvelle salle. Finalement une bonne idée, car la salle disparut complètement durant un incendie en 1873.

JS. Par le biais d’un concours si je ne m’abuse ?

OG. Tout à fait, concours international même, lancé deux ans plus tard avec 171 architectes à y prendre part, dont celui qui deviendra mon créateur, Charles Garnier.

JS. Plutôt méconnu à l’époque

OG. Complètement, âgé juste de 35 ans, jeune pour l’époque, mais avec un culot certain, qui lui permit de vaincre ce concours au nez et à la barbe de ses congénères plus expérimentés.

JS. C’est-à-dire ?

OG. Eh bien, durant la présentation finale des projets, l’impératrice, plutôt porté sur le projet de Viollet-Le-Duc, lui demanda quel était le style de son projet, vu que pour elle, il n’était ni grec, ni Louis XV, et encore moins Louis XVI ? Sans se dégonfler, l’apanage de la jeunesse certainement, il lui répondit du tac au tac en disant, mais majesté, c’est du Napoléon III.

JS. Effectivement, plutôt culotté ce monsieur

OG. Judicieux même, car l’empereur, également présent, apprécia bien évidemment cette réponse, et lui décerna au final le premier prix.

JS. Et ce fut certainement les prémisses de ce que l’on appelle aujourd’hui le style Napoléon III, connu également sous l’appellation style second empire

OG. Certainement, surtout que ma construction, qui dura quand même 14 ans, fut totalement intégrée dans les grands travaux d’urbanisme du baron Haussmann voulus par l’empereur, englobant également la réalisation de la place de l’opéra.

JS. De grands travaux qui durèrent eux près de 20 ans

OG. Oui, il se dit que ces travaux ont modifiés la ville de Paris de près de 60 %

Art et Décoration n° 543 de septembre 2019
Art et Décoration n° 543 de septembre 2019

Art et Décoration n° 543 de septembre 2019

JS. Et aujourd’hui cela représente une des images de marque de la ville de Paris. Mais pour en revenir à vous, votre inauguration fût faite en 1875 je crois ?

OG. En effet, et en présence du président de la république Patrice de Mc Mahon, l’empereur étant décédé deux ans auparavant, n’ayant pas vu son idée terminée

JS. Et avec Charles Garnier également, qui d’après mes informations, dut payer sa place pour assister à votre inauguration, est-ce vrai ?

OG. Je ne sais pas, il parait, mais c’est peut-être une des légendes me concernant ?

JS. Comme celle du fantôme par exemple ?

OG. Oui, et celle-ci perdure dans le temps

JS. Vous pouvez nous en raconter l’histoire ?

OG. Disons qu’en 1873, un incendie se déclarant au conservatoire de la rue Le Peletier, l’ancien Opéra, occasionna des brûlures graves au visage d’un jeune pianiste appelé Ernest, mais surtout le décès de sa fiancée, ballerine. Inconsolable, on dit qu’il errera dans les souterrains durant ma construction. Par la suite, divers évènements plutôt mystérieux s’y déroulèrent, comme le décrochage d’un lustre, s’écrasant sur un spectateur assis à la place n° 13, un machiniste retrouvé pendu, une danseuse faisant une chute, occasionnant son décès, ou encore, un mystérieux spectateur exigeant qu’on lui réserve à chaque représentation la loge n° 5, toujours visible aujourd’hui, et dont l’origine pour beaucoup était ce pauvre Ernest. Et avec le roman de Gaston Leroux, il est clair que cette « légende » est depuis passée à la postérité, puisqu’aujourd’hui, des visites s’organisent autour de ce personnage. Pour ma part, je ne l’ai jamais vu. Et vous ?

Photo de C. Samela

Photo de C. Samela

JS. Moi non plus, mais durant ma première et seule visite pour l’instant, j’ai pu voir effectivement nombre de vos visiteurs munis de masques blancs. Mais pour rester dans le monde des légendes, que dire de celles qui ont jalonnées votre vie ?

OG. Vous voulez parler des musiciens ?

JS. Oui, et pas n’importe lesquels

OG. En effet, avec comme précurseur Lully, qui de 1672 à 1687 en devint mon directeur, tout en composant vingt ouvrages, dont celui considéré comme le premier opéra français, Cadmus et Hermione en 1673, suivi en 1733 par Jean-Philippe Rameau, qui lui composera en vingt ans une douzaine d’ouvrages, dont Les Indes galantes en 1735 et Les Paladins en 1757, en 1782, c’est Luigi Cherubini qui y composera son premier opéra, Anacréon ou l’Amour fugitif, et Gioacchino Rossini, ses derniers opéras, dont le monumental Guillaume tell en 1829, Gaetano Donizetti y créa également son premier opéra appelé La favorite en 1840, Giuseppe Verdi y composa lui Les Vêpres siciliennes en 1855 et Don Carlos en 1867, et au final, Richard Wagner, qui avec Tannhaüser en 1861 déclencha une polémique telle, qu’il quitta précipitamment la ville de Paris. Ses œuvres seront représentées par la suite avec plus ou moins de succès.

JS. Nos amis mélomanes apprécieront

OG. Et encore j’en ai oubliés.

JS. Ne vous inquiétez-pas, nos lecteurs pourront retrouver les liens à la fin de cette entrevue

OG. Deux informations quand même, tout d’abord la création d’une école de danse par l’entremise du roi Louis XVI en 1784, et, la création par Philippe Taglioni du premier ballet à être dansé en tutus blanc, dénommée La Sylphide

JS. Effectivement, vous avez raison, l’information c’est sacré

OG. Oui, surtout aujourd’hui, à l’ère des dites « fake news ou infox »

Art et Décoration n° 543 de septembre 2019
Art et Décoration n° 543 de septembre 2019

Art et Décoration n° 543 de septembre 2019

JS. Eh bien justement, reprenons donc le cours de cette entrevue, avec quelques dates significatives de votre existence, comme par  exemple ce fameux 19 août 1932, que s’est-il passé ?

OG. Les premières retransmissions radiophoniques d’un opéra, depuis l’émetteur de mon amie La Tour Eiffel. Il s’agissait de Mârouf, savetier du Caire de Henri Rabaud. Ensuite, c’est un peu le mélange des genres, avec la politique qui vient mettre son nez dans mes affaires, en m’associant l’Opéra-Comique (décidé en 1936 et promulgué en 1939 par le Front populaire) afin de créer un établissement public appelé la Réunion des théâtres lyriques nationaux (RTLN). Supprimé en 1978, il fera place au théâtre de l’Opéra de Paris. Quant à l’Opéra-Comique, il ne retrouvera son autonomie qu’en 1990.

JS. Et en 1982, le coup de tonnerre

OG. Oui, jugeant ma jauge peu satisfaisante, le président de l’époque, François Mitterrand, décida la construction d’un nouvel opéra à Paris, considéré plus moderne et plus populaire.

JS. Vous n’en meniez pas large

OG. C’est peu de le dire. Un concours international fût donc lancé, avec 1 700 architectes et 756 projets reçus. Comparé à celui de ma création, il y a une sacrée différence.

JS. Autre époque, et je crois que c’est un architecte uruguayen qui a gagné ?

OG. Oui, il s’appelle Carlos Ott, et comme Charles Garnier, il était assez jeune, puisqu’il avait 37 ans.

JS. Ah la jeunesse.

OG. A qui le dites-vous

JS. Donc, après plusieurs années de travaux, l’Opéra Bastille est inauguré en 1989 ?

OG. Oui, dans le cadre notamment des manifestations du Bicentenaire de la révolution française, et avec comme directeur du conseil d’administration, Pierre Bergé, le cofondateur et président de la maison de couture Yves Saint-Laurent.

JS. Et un an plus tard, les deux opéras formeront l’Opéra de Paris ?

OG. Oui, mais pas longtemps, puisqu’en 1994, l’Opéra de Paris deviendra l’Opéra national de Paris, soulignant là la volonté de l’institution de rayonner au-delà de Paris.

Photo C. Samela

Photo C. Samela

JS. Pari réussi ?

OG. Je le pense, et comme je ne ressens aucune concurrence de la part de mon petit frère, je me dis que finalement deux opéras à Paris peuvent sans problèmes coexister, apportant même à la ville une plus-value exceptionnelle en termes de spectacles de renom. La ville de Francfort en Allemagne en a également deux, et Prague, la capitale de la république tchèque en a même trois.

JS. Donc, saine concurrence et apport mutuel ?

OG. Oui

JS. Eh bien c’est avec cette évidence que se termine cette longue entrevue, sans omettre quelques informations sur notre interlocuteur, soit que le lustre de la salle pèse 8 tonnes, et, est descendu une fois par an pour son nettoyage, que la scène peut contenir près de 400 personnes, que le plafond, représentant 14 scènes des plus célèbres opéras et ballets a été réalisé par le peintre Chagall, que l’école de danse, celle des petits rats, se trouve depuis 1987 à Nanterre, et que depuis 1982, des ruches sont installé sur le toit, dont le miel est vendu à la boutique.

Art et Décoration n° 543 de septembre 2019 et Photo de C. Samela
Art et Décoration n° 543 de septembre 2019 et Photo de C. Samela

Art et Décoration n° 543 de septembre 2019 et Photo de C. Samela

OG. Que d’informations pour vos lecteurs, j’espère justement avoir été à la hauteur de vos attentes, même si bien sur je n’atteindrai jamais celle de mon amie La Tour Eiffel. Merci pour ce moment, qui je l’espère intéressera vos lectrices et lecteurs.

JS. Merci à vous surtout, et que s’ouvrent donc vos portes pour ces 36èmes Journées Européennes du Patrimoine, dédiées justement cette année à l’art et au divertissement.

Jacques Samela

 

Sources :

. www.operadeparis.fr

. www.histoire-de-paris.fr

. www.paris1900;Lartnouveau.com

. www.parisbalade.fr

. https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/02/08/les-dates-qui-ont-marque-l-histoire-de-l-opera-de-paris_5420845_3246.html

. Art et Décoration n° 543 de septembre 2019

A voir :

. Habiller l'opéra, costumes et ateliers de l'Opéra de Paris / https://www.cncs.fr/costumes-de-lopera-de-paris

 

Art et Décoration n° 543 de septembre 2019
Art et Décoration n° 543 de septembre 2019

Art et Décoration n° 543 de septembre 2019

Télé-Loisirs n° 1750 du 14/09/19
Télé-Loisirs n° 1750 du 14/09/19

Télé-Loisirs n° 1750 du 14/09/19

. Pour plus d'informations, n'hésitez-pas à lire ou à relire l'interview du 30 mars 2018, intitulé : La Tour Eiffel, 129 ans et la vie devant elle

Publié dans Portrait français.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article