Le Nouvel Espace à la française

Publié le par Jacques SAMELA.

Le Nouvel Espace à la française
Le Nouvel Espace à la française

En ce mois de juin 2021, aurait dû se dérouler la 54ème édition du salon aéronautique international du Bourget. Seulement voilà, en raison de la crise sanitaire, toujours en cours, il a été décidé de la reporter en juin 2023.

Et pourtant, les secteurs de l’aéronautique et de l’espace sont en pleine ébullitions.

En effet, d’un côté, l’aéronautique civile qui panse ses plaies tout en se projetant vers l’avenir en imaginant de nouveaux procédés pour répondre au trafic de demain, et de l’autre, l’espace, ou plutôt ce que l’on appelle aujourd’hui le New Space, de plus en plus remodelé, notamment par l’arrivée d’acteurs privés, obligeant les acteurs historiques à se remettre en question, afin de ne pas se faire distancer, voir tout bonnement disparaitre à leurs profits.

La NASA l’a par exemple très bien compris, puisqu’elle utilise désormais les fusées Space X, toutes droites sorties de la tête d’Elon Musk, le monsieur Tesla, gage de moyens financiers presque sans fin, ce qu’elle ne peut plus faire aujourd’hui, mais apportant par-contre son savoir-faire et son expérience incontournable dans l’élaboration de programmes spatiaux dignes de ce nom.

A l’échelle de l’Europe, pas encore d’acteurs privés capables d’élaborer des lanceurs à forts rendements, et donc de concurrencer Arianespace, mais par-contre, et notamment en France, de nouveaux acteurs, pour la plupart start-up, pourvoyeurs d’innovations disruptives, et en quête de marchés plus que prometteurs, arrivent sur le devant de la scène.

Vu et lu dans Challenges n° 693 du 08/04/21

Vu et lu dans Challenges n° 693 du 08/04/21

En voici donc mon podium personnel, avec tout d’abord celui qui semble être le leader toute catégorie de l’activité, Kinéis (www.kineis.com), opérateur de nano-satellites pour l’IoT, ou de connectivité globale dédié à l’internet des objets comme aiment le préciser les dirigeants, basé à Toulouse, et dont la création, effective en 2018, a hérité de 40 ans d’expertises du Centre national d’études spatiales (CNES), et de la société CLS (Collecte Localisation Satellites) sur le système Argos (www.argos-system.org).

Ayant effectué une levée de fonds de 100 millions d’Euros en 2020, historique pour l’activité en France, et avec laquelle il compte lancer l’année prochaine une constellation 100 % française de 25 satellites entièrement dédiée aux objets connectés, il vient d’intégrer récemment le Next40 (www.lafrenchtech.com), représentant une sélection des 40 startups françaises ayant le potentiel pour devenir des leaders technologiques mondiaux, garant selon son président, Alain Tisserant, d’une visibilité incomparable en France, mais surtout à l’étranger, rappelant qu’à terme, les trois-quarts de leurs activités se feront en dehors de l’Europe.

Mais aujourd’hui, et donc dans l’attente de cette montée en puissance, leurs satellites déjà en action servent à des usages scientifiques et environnementaux comme le suivi d’animaux sauvages, de troupeaux ou de bétails sur de très grandes zones (Australie, Amérique du sud), mais également au monitorage des sols, à la surveillance des réseaux d’infrastructures, ou encore au suivi des conteneurs et à la surveillance des bateaux (Afrique de l’Ouest, l’Asie).

Cependant, dans l’attente de ce qui serait une première pour un acteur français (voir plus haut), dont des contrats ont déjà été signés en 2019 avec des leaders du secteur de l’IoT comme Bouygues Telecom et la Wize Alliance (Suez, GRDF, SagemCom), d’autres programmes sont en cours de finalisation pour les prochains mois, soit la livraison du premier modèle d’une série de station-sol, destinée à être disposée tout autour de la planète afin de recevoir les signaux de leurs satellites, ou encore le lancement d’une balise individuelle équipée d’un système « Search & Rescue », intégrant le système mondial d’alerte Cospas-Sarsat (1500 vies sauvés chaque année), destinée à la localisation des sinistres, voire à celle de sportifs en montagne ou dans le désert.

Mais pour revenir à ce lancement de 25 nano satellites, une question reste encore en suspens, soit, où trouver un ou des lanceurs adaptés, capable de répondre à la complexité nouvelle qui est celle d’envoyer des satellites de plus en plus petits, alors qu’habituellement, ils pèsent entre 150 kg et bien plus. Espérons juste que cette réponse sera trouvée en Europe, avec Arianespace, en attente de son prochain lanceur, Ariane VI

Par-contre, cette problématique, le suivant ne se la pose pas directement, car son activité elle, consiste à développer des systèmes de propulsion électriques pour petits satellites, destinés à y optimiser leur orbite, à leur éviter toute collisions, et à leur permettre un retour sur terre pour ceux, qui en fin de vie, pollueraient fatalement l’espace, ce qui est déjà pas mal le cas.

Vu et lu dans l'usine Nouvelle n° 3646 du 13/02/20, et Kinéis (Plaquette)
Vu et lu dans l'usine Nouvelle n° 3646 du 13/02/20, et Kinéis (Plaquette)
Vu et lu dans l'usine Nouvelle n° 3646 du 13/02/20, et Kinéis (Plaquette)

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Vus et lus dans Les echos du 08/01/21 et du 26/02/21
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Donc, cette société, dont je n’ai pas encore donné le nom, s’appelle Exotrail (www.exotrail.com), et elle a été créée en 2017 par des anciens de Polytechnique et du CNRS.

Basée à Toulouse, ainsi qu’à Massy, site inauguré en 2019 en présence de la secrétaire d’Etat à l’Economie Agnès Pannier-Runacher, elle non plus n’a pas attendue longtemps pour faire sa place dans ce nouveau monde, avec sur l’année 2020, des levées de fonds de près de 20 millions d’Euros, suivies de premiers contrats prometteurs, notamment avec la société anglo-suédoise AAC Clyde Space, considérée comme l’un des principaux fournisseurs européens de nano satellites, mais aussi avec les principales agences spatiales françaises et européennes que sont le CNES et l’ESA, et le Commandement de l’espace français.

Succès non démentis encore aujourd’hui, avec en décembre dernier, à plusieurs milliers de km de la terre, la réussite de la mission de son nouveau propulseur électrique appelé EXOMG tm, élaboré en à peine dix mois, s’allumant et poussant dans l’espace un petit satellite d’à peine 8 kg, une première mondiale.

D’autres existent déjà, comme le propulseur EXO MG Nano, dédié aux satellites de 10 à 20 kg, et l’EXO MG Micro, dédié lui aux satellites pouvant aller jusqu’à 100 kg.

Mais comme l’idée n’est manifestement pas de se cloisonner à une seule activité, avec comme souhait également de se démarquer de ses principaux concurrents (Comat, ThrustMe, Enpulsin), elle élabore également des logiciels de commande à distance et de navigation des satellites, tout en planchant sur un modèle de véhicule de transport orbital, pouvant héberger des nano satellites ou des micro satellites, afin de les transporter jusqu’à leur orbite finale, et dont le nom est SpaceVan. Possible décollage d’ici 2024.

Concernant enfin le troisième larron, son nom est Anywaves (www.anywaves.eu), basée elle aussi à Toulouse, elle a été créée également en 2017, par Nicolas Capet, ancien du CNES, et son activité principale consiste à fabriquer des antennes à partir de l’impression 3D en céramique, alliée en cela avec la société 3DCeram (www.3dceram.com), utilisées pour compléter les nouvelles constellations de satellites, plus performantes que les antennes traditionnelles.

Tellement performantes, qu’en 2020, elle obtient le prix de la « Start-up de l’année » au concours Les Innovations 2020, mais surtout, elle signe en décembre dernier, son premier contrat international avec une start-up indienne appelée Pixxel (www.pixxel.space), dont l’objectif est de lancer à termes une constellation d’au moins 24 nano-satellites, afin de fournir des images satellitaires mondiales en temps réels et à prix abordables, et dont le souhait était d’acquérir deux modèles de vol de son antenne bandes pour équiper un autre satellite de la start-up, dont la mise en orbite est prévue elle cette année.

Et en tout, ce sont près d’une soixantaine d’antennes qui ont déjà été vendues, cinq par exemple pour Eyesat, un microsatellite de communication expérimental américain, pour le programme Angels, le premier nano satellite « Made in France », pour Thales Alenia Space, fournissant des antennes missions sur les deux premiers nano satellites de la constellation IoT américaine Omnispace, et très récemment, avec la signature d’un contrat avec la société californienne Loft Orbital (www.loftorbital.com), également présente à Toulouse, et spécialiste de l’organisation de missions spatiales, pour deux antennes embarquées sur le micro satellite YAM-3, dont le lancement s’effectuera depuis et grâce à la fusée Falcon 9 de Space X.

Vu et lu dans Les Echos du 08/07/20

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Space X que vous commencez à bien connaître désormais, notamment grâce au lancement récent de la mission spatiale où Thomas Pesquet représentera la France et l’Europe à bord de la station spatiale internationale ou ISS (International Space Station), , ce qui pose finalement la question de la solvabilité dans le temps des acteurs français, petits par la taille, mais déjà reconnus par leur apport innovant, face aux mastodontes en devenir, américains bien évidemment, mais aussi chinois, voir indien ?

Eh bien, à l’heure où justement en France, certains demandent expressément le lancement d’assises du New Space français, d’autres se sont lancés dernièrement dans la création d’une alliance fédérant les principaux acteurs français de ce domaine, appelée Alliance Newspace France, dont font partis deux des acteurs présentés dans ce dossier, à savoir Kineis, Anywaves, (et Exotrail ?), et dont le but est de promouvoir ce vivier à l’échelle internationale, tout en faisant déjà du lobbying au niveau national et européen, représentant déjà près de 1 000 salariés et des dizaines de millions d’Euros de chiffres d’affaires.

Vus et lus dans Les Echos du 03/12/20 et du 06/04/21
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Mais justement, pour aller encore plus loin, il ne faudra surtout pas occulter le poids de l’Europe dans l’aventure spatiale, commencé le 30 mai 1975 avec la création de l’Agence spatiale européenne ou ESA, et bien évidemment par la suite sa tête de gondole que représente la fusée Ariane, à même d’assurer une assise incontournable, une expérience de premier plan, pour développer, pérenniser dans le temps ce secteur clé pour garantir une certaine indépendance dans ce qui semble devenir une course contre la montre dans cette nouvelle aventure spatiale, apparue il y a déjà quand même près de vingt ans aux Etats-Unis.

Jacques Samela

 

Sources :

. https://fr.wikipedia.org/wiki/Kineis

. https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/constellation-satellites-kineis-constellation-nanosatellites-100-francaise-ici-2022-72794/

. https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Actualites/Kineis-le-champion-francais-du-NewSpace-qui-a-integre-le-Next40-52005

. https://www.challenges.fr/entreprise/aeronautique/constellation-de-satellites-kineis-le-nouveau-champion-du-new-space-francais_697061

 

. https://www.challenges.fr/entreprise/la-start-up-exotrail-fait-decoller-le-new-space-francais_653243

. https://www.frenchweb.fr/exotrail-leve-11-millions-deuros-pour-propulser-des-constellations-de-petits-satellites/403287

. https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/actu/0602790778487-spatial-la-jeune-pousse-exotrail-annonce-son-premier-contrat-335191.php

. https://www.essonne.fr/economie-amenagement-mobilites/lactualite-economie-amenagement-mobilites/exotrail-la-tete-dans-les-etoiles-les-pieds-sur-terre

 

. https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Actualites/Anywaves-les-antennes-made-in-France-dans-la-course-au-New-Space-51270

. https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/la-pepite-francaise-anywaves-s-ouvre-le-marche-indien-877202.html

. https://actu.fr/occitanie/_31/toulouse-societe-anywaves-specialisee-dans-mini-satellites-recompensee_31426784.html

 

. https://www.msn.com/fr-fr/finance/economie/pourquoi-il-est-urgent-de-lancer-des-assises-du-new-space-fran%C3%A7ais/ar-AAKA1Qg

. https://www.lesechos.fr/pme-regions/innovateurs/une-nouvelle-alliance-federe-les-acteurs-francais-du-new-space-1315030

 

A lire :

. https://digital.essais-simulations.com/essais-simulations-145/65718611

. https://www.futura-sciences.com/sciences/definitions/new-space-new-space-16591/

. https://www.frenchweb.fr/les-problematiques-du-new-space-francais-ce-sont-celles-du-new-space-americain-il-y-a-15-ans/419385

. https://www.20minutes.fr/high-tech/3051875-20210601-8-projets-similaires-a-starlink

 

A écouter :

. https://www.minalogic.com/evenements/enjeux-et-opportunites-du-newspace-conference-n9-environnements-controles-enjeux-vitaux-pour-le-spatial/

 

A voir :

. https://www.minalogic.com/evenements/space4/

. https://www.3af.fr/agenda/summer-space-festival-2021-2114

 

Vu et lu dans Les Echos du 02/06/21

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Vu et lu dans Les Echos du 07/01/21
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