VQR, en maturation perpétuelle (rappel et quelques petits plus)

Publié le par Jacques SAMELA.

VQR, en maturation perpétuelle (rappel et quelques petits plus)
VQR, en maturation perpétuelle (rappel et quelques petits plus)

« The Laughing Cow » dans les pays anglo-saxons, « Gülen Nek » en Turquie, « Con Bo Cui » au Vietnam, et chez nous, vous la connaissez sous l’appellation « La Vache qui rit » ou VQR.

Alors, j’imagine sans trop me tromper, que vous l’avez goûté au moins une fois dans votre vie, voire vous l’avez dégusté sans retenue à l’école, aux goûters, en colonie de vacances, en pique-nique ou en voyage. Rien que d’en parler, cela me met l’eau à la bouche, et comme j’en ai chez moi, un petit retour en arrière s’impose.

Mais bon, avant cela, quelques minutes de votre temps pour découvrir la genèse de ce petit triangle de saveur fromagère.

Donc, tout commença en 1865 à Orgelet dans le Jura, où s’établit comme maître affineur un certain Jules Bel. Son activité, acheter des meules « blanches » de fromages à pâte dure, appelées »fruitières », afin de les faire vieillir.

En 1897, dans une situation bien installée, il confia ses affaires à ses deux fils, Henri et Léon, et la maison Bel devint « Bel frères ». Quelques années plus tard, c’est Henri qui quittera la maison familiale, laissant les manettes à Léon, qui changera le nom en « Léon Bel, Gruyère en gros ».

Ensuite, un événement mondial et une invention venant de la Suisse voisine déclencheront le processus vers ce que nous connaissons donc aujourd’hui.

En effet, mobilisé durant la 1ère guerre mondiale aux escadrons du « Train », notamment sur la partie consacrée au ravitaillement en viande fraiche des soldats du front, Léon découvrit sur les wagons les dessins, plutôt humoristiques, des insignes identifiant les différentes unités, et particulièrement celle créée par Benjamin Rabier (1864-1939), illustrateur renommé de l’époque, qui après une demande express d’un commandant, élabora l’image d’un bœuf souriant, baptisé très rapidement par les poilus « La Wachkyrie », en référence au modèle hilare représenté, mais surtout aux Walkyries, divinités servant Odin dans la mythologie nordique, très appréciées des allemands.

Et au même moment, en 1917, trois frères suisses (Emile, Otto et Gottfried Graf) importèrent en France la technique de fabrication du fromage fondu, élaboré quelques années plus tôt de l’autre côté des Alpes, suisse, par un certain Gerber. Bon, économique, pâte gouteuse, conditionnée dans des boites métalliques supportant les longs voyages et les climats chauds, les frères en pressentirent rapidement le succès.

Ce qui fut le cas également de Léon, qui après sa démobilisation en 1919 et son retour aux manettes de son entreprise, en proie à des difficultés, à la limite de la faillite, sut percevoir dans ce fromage le potentiel pour se relancer, invitant Emile Graf afin qu’il lui présente cette nouveauté, mais surtout qu’il lui apprenne ce procédé prometteur.

Et en 1921, suffisamment sûr de lui, il déposera la marque « La Vache qui rit », traduction francisé de ce que les poilus mentionnaient (voir plus haut), avec comme idée également, d’y associer ce dessin, vu durant sa mobilisation, représentant un bœuf hilare, qui comme vous le savez maintenant, quoique modifié, deviendra l’image d’Epinal du groupe, qui lui, en 1922, deviendra la « Société Anonyme des Fromageries Bel », qu’il dirigera jusqu’en 1937, avant de le transmettre à son gendre, Robert Fievet.

Mais avant cette cession, Léon Bel, définitivement relancé, sut grâce à la création d’une nouvelle usine en 1926, moderniser sa production, tout en améliorant au passage les conditions de travail de ses ouvriers, peaufiner l’aspect visuel de son logo, en rajoutant, après une idée de sa femme, des boucles d’oreilles en forme de boite de VQR, et créer au sein de son entreprise, un bureau de la publicité composé de 12 personnes, lui permettant de gérer sur place et sous sa coupe, les actions de communication, car il avait également compris depuis longtemps l’importance de cette activité naissante pour les ventes de ses produits.

Et en effet, il fut vraiment précurseur en ce domaine, car il participa aux premiers balbutiements de la publicité radiophonique, il organisa de grands concours avec la possibilité d’y gagner des lots de choix, en 1936, le premier prix en était une Peugeot 401, et il soutint également des événements sportifs comme les Six Jours de Paris, et la Caravane du Tour de France dès 1933. Plus tard, c’est dans la rue, le métro, à l’arrière des bus, dans la presse, les cinémas, que l’on retrouvera l’effigie si reconnaissable de La Vache qui rit, mais aussi dans la panoplie des écoliers des années 50, élaborant avec l’apport de grands illustrateurs de l’époque, des protège-cahiers et des buvards.

Et donc, avec cette nouvelle usine, qui lui permit de passer à une production de 120 000 boîtes de VQR par jour, étant également passé de la boite en métal d’origine à une boite en carton où était présentées les désormais célèbres portions individuelles, elle lui permit surtout de répondre aux demandes de plus en plus pressantes venant de divers pays européens, dont les consommateurs découvraient avec plaisir, notamment les enfants, ce que pouvait apporter ce petit fromage facile à tartiner.

Et après la seconde guerre mondiale, le groupe Bel, sous l’égide cette fois-ci du gendre de Léon, apporta quelques changements primordiaux pour sa diffusion croissante dans une Europe en quête de produits à même de répondre aux besoins alimentaires du moment, pour petits et grands, en augmentant le taux de matières grasses à 40 % en 1948, et 50 % en 1955.

Mais pas seulement en Europe, rappelez-vous des appellations diverses de La Vache qui rit vu au début de ce sujet. Dans le monde entier elle est connue et appréciée, mais pas de la même manière par contre, car enrichie en vitamine D et en lipides dans les pays dits en voie de développements, elle est dégustée allégée ou aromatisée au cheddar aux Etats-Unis et au Canada, au goût barbecue au Maroc, et même à la fraise en Asie. En tout, elle est distribuée dans près de 140 pays, et 125 portions seraient consommées chaque seconde dans le monde, élaborées aujourd’hui par 13 usines du groupe. Il est loin le temps du petit affineur de gruyères.

Cependant, afin justement de retrouver le goût d’antan, le groupe Bel a décidé d’abandonner le lait en poudre sur son premier marché, qui reste la France, avec une famille sur trois consommant encore ce petit fromage, pour revenir au lait non transformé, produit qui plus est dans l’Hexagone. Petit clin d’œil en arrière, alors qu’il vient quand même de fêter (2021) son premier centenaire. Bonne idée.

Bon, tout en espérant ne pas avoir été trop long, et pourtant il y a encore de quoi dire (voir documents en présentation), vous aurez peut-être envie d’une petite tartine après avoir lu ce sujet, et si vous voulez en savoir encore plus, n’hésitez-pas à vous arrêter à « La Maison de La vache qui rit » à Lons Le Saunier, berceau du groupe, vous y retrouverez tout ce que la petite fille de Léon, en 2009, a souhaité représenter de cette saga familiale, toujours dans le giron du groupe à hauteur de 71 % du capital. Bonne visite à ceux qui s’y rendront, et bonne dégustation à ceux qui vont se faire une petite tartine. Pas d’heure pour cela.

Jacques Samela

 

Sources :

. https://www.lamaisondelavachequirit.com/

. https://www.jura-tourism.com/patrimoine-culturel/maison-de-la-vache-qui-rit/

. https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2021-04-15/la-vache-qui-rit-fete-ses-100-ans-et-cest-le-fromage-le-plus-consomme-du-monde-f618ec60-3b84-4217-b59d-476df6f0568e

. https://www.agro-media.fr/actualite/mais-alors-pourquoi-la-vache-qui-rit-rit-3501.html

 

A lire :

. https://www.alliancy.fr/bel-transformation-data-marketing?ct=YTo1OntzOjY6InNvdXJjZSI7YToyOntpOjA7czo1OiJlbWFpbCI7aToxO2k6MTEzNjt9czo1OiJlbWFpbCI7aToxMTM2O3M6NDoic3RhdCI7czoyMjoiNjJhMmViNzY0NWQxYjY5MDE5MTY5NSI7czo0OiJsZWFkIjtzOjU6IjE1MTU2IjtzOjc6ImNoYW5uZWwiO2E6MTp7czo1OiJlbWFpbCI7aToxMTM2O319&utm_source=Email&utm_medium=Newsletter&utm_campaign=NewsletterAlliancy&utm_content=20220610

 

http://competitiviteinfrance.overblog.com/2022/07/vqr-en-maturation-perpetuelle-episode-3.html

Vu et lu dans Les Echos du 07/11/22

Vu et lu dans Les Echos du 07/11/22

Vu et lu dans L'Usine Nouvelle n° 3702 de janvier 2022

Vu et lu dans L'Usine Nouvelle n° 3702 de janvier 2022

La Data, un facteur de décision clé pour Bel dans un contexte de volatilité

https://www.alliancy.fr/data-facteur-decision-bel-volatilite?ct=YTo1OntzOjY6InNvdXJjZSI7YToyOntpOjA7czo1OiJlbWFpbCI7aToxO2k6MTM3MTt9czo1OiJlbWFpbCI7aToxMzcxO3M6NDoic3RhdCI7czoyMjoiNjQzOGY5OTRhYTU1YTI5MzIwMDc0MyI7czo0OiJsZWFkIjtzOjU6IjE1MTU2IjtzOjc6ImNoYW5uZWwiO2E6MTp7czo1OiJlbWFpbCI7aToxMzcxO319&utm_source=Email&utm_medium=Newsletter&utm_campaign=NewsletterAlliancy&utm_content=2023%2F04%2F14

Christophe Auffray - le 13 avril 2023

 

L’exploitation des données fait désormais partie du parcours de transformation de l’industriel Bel. L’entreprise a d’abord mis l’accent sur les usages au service du marketing, mais prévoit d’optimiser l’ensemble de sa chaîne de valeur grâce à la Data.

« La data change véritablement la manière dont on opère », déclarait en mai 2022 Béatrice Grenade, Chief Data and Marketing Transformation Officer de Bel. Le producteur de produits tels que la Vache qui rit, Babybel, Kiri ou Boursin se situe cependant encore dans la première phase de sa transformation.

Et comme dans d’autres secteurs, le groupe a fait le choix de mettre d’abord l’accent sur un métier souvent plus mature sur la Data, à savoir le marketing. Mais cette fonction est aussi la plus challengée par le climat économique actuel, à la fois incertain et volatil, souligne Gaël Demenet.

Un contexte d’hyper-volatilité et d’instabilité

Le directeur Data & AI de Bel s’exprimait à l’occasion de la conférence Retail & e-commerce du Hub Institute. Et de rappeler l’importance accordée aux données comme instrument essentiel de la prise de décision depuis les 24 derniers mois.

Covid, guerre en Ukraine et ses conséquences participent à créer « un contexte d’hyper-volatilité et d’instabilité. » Un tel environnement appelle à des évolutions de la part des décideurs. Cela vaut notamment en ce qui concerne les attributions de budgets marketing.

C’est pour répondre à ces enjeux que les usages de la Data se sont développés chez Bel. Pour les équipes Data & IA, rattachées à la direction de la transformation, les données servent ainsi trois finalités business : l’anticipation, l’arbitrage et l’empowerment (ou augmentation) des collaborateurs.

Acheteur de matières premières, dont le lait, mais aussi de carton pour le conditionnement de ses produits, Bel est très impacté par l’inflation. Grâce aux données, l’entreprise s’efforce donc “au maximum d’anticiper les fluctuations des prix et d’en déterminer les impacts afin, dans un second temps, de scénariser des prises de décisions.”

Pour le pilotage, l’anticipation à des horizons de deux à trois ans ne suffit pas. Celui-ci nécessite également des décisions à plus court terme via des arbitrages sous contraintes. Bel doit ainsi répartir ses dépenses entre 30 BU et des marques multiples, dont 5 fortes, chacune avec ses spécificités.

Version augmentée de l’humain grâce à l’IA

Les données sont donc un moyen pour la direction Data “de responsabiliser ses clients internes” et de les aider dans leurs décisions. La finalité : créer une complémentarité avec les collaborateurs métiers aboutissant à une “version augmentée de l’humain grâce à l’IA”.

Dans le domaine du marketing, cette ambition s’est traduite par la conception d’une suite de programmes. Leur usage permet aux marketeurs et financiers de répondre à la question de l’allocation optimale du budget marketing à trois niveaux (pays, marque et touchpoint).

Concrètement, lors de la conception du budget N+1, directeurs financier et marché ont accès à un premier outil conçu pour les aider à allouer les enveloppes entre les pays. “Nous avons développé un modèle assez simple qui score l’ensemble des pays sur deux axes : le potentiel de croissance d’un pays (…) et sur l’autre axe le potentiel de nos marques à délivrer”, détaille Gaël Demenet.

Ce modèle génère un score et ainsi un classement entre les pays en termes d’allocation de moyens marketing. “Cela marche plutôt bien, et ce depuis quelques années”, se félicite l’expert Data et AI de Bel.

Les tâches d’allocation sont cependant loin d’être finalisées à ce stade. Au niveau de chaque marché, l’industriel doit encore répartir ses dépenses entre ses marques et canaux de communication ou touchpoints (télé, PLV, réseaux sociaux…).    

Recommandation des touchpoints à sélectionner

Sur le volet des canaux, Bel a mis au point un processus, supporté par “un petit modèle” basé sur RSQ (Reach Cost & Quality). Le modèle heuristique permet de créer une monnaie commune entre l’ensemble des canaux. Le RSQ détermine un coût contact qualifié (pour un objectif et une cible).

L’apport de la data science permet ici de modéliser des courbes de saturation pour chacun des touchpoints. Pour aider à la prise de décision, cette modélisation fournit des indicateurs à forte valeur ajoutée : les points minimal et maximal d’investissement, et le point optimal.

“Selon le score RSQ, le budget total et les courbes de saturation, l’algorithme va recommander les touchpoints à sélectionner avec les allocations associées”, explique Gaël Demenet. Ces insights sont exploitables directement par les équipes marketing, “notamment pour challenger ce que peuvent faire les agence média.”

La complexité s’accroît sensiblement lors de l’étape d’attribution entre les marques, souligne l’expert. Pour accompagner la prise de décision dans ce secteur, l’approche a consisté à appréhender le portefeuille de marques comme un portefeuille d’actifs financiers appréciés selon deux dimensions, le risque (ou volatilité) et les rendements.

Résoudre cette équation nécessite toutefois de tenir compte de facteurs multiples, une vingtaine en tout. Et parmi ces facteurs, certains sont contrôlés par Bel, dont le prix. D’autres, au contraire, ne le sont pas du tout (concurrence, etc.). Enfin, des facteurs sont inconnus et/ou imprévisibles, par exemple le covid par exemple ou des mouvements de grève.

Ces derniers facteurs peuvent avoir plus ou moins d’impact sur les ventes des marques du portefeuille. Illustration : la Vache qui rit s’est avérée résiliente aux Etats-Unis durant la période Covid, au contraire notamment du Babibel, compte tenu de son mode de consommation.

Des décisions basées sur une connaissance

Des variations plus ou moins importantes peuvent aussi être observées en fonction des dépenses marketing allouées. “Ces éléments génèrent énormément d’insights pour les équipes, qui passent de ‘je pense’ à ‘je sais’”.

Sur la base de ces données, Bel est en mesure de scénariser l’ensemble des allocations possibles entre ses marques, ce qui représente plusieurs milliers de simulations. Le métier obtient un “mapping” d’allocation pour arrêter des décisions data driven ou basées sur des faits.

Le marketing était une première étape, “assez normale pour une marque de grande consommation” pour des raisons notamment d’appétit et de disponibilité des données, commente le directeur Data et IA.

“Nous sommes au début du voyage de transformation par la Data chez Bel” poursuit-il. L’ambition est donc de “s’étendre” à d’autres métiers et cas d’usage sur toute la chaîne de valeur de l’entreprise. L’industriel planche ainsi actuellement sur la prévision du coût des matières premières afin de déterminer un prix de vente pour les équipes ventes.

“Nous avons aussi un sujet sur la supply afin d’automatiser l’allocation de nos produits des usines à nos entrepôts et ainsi réduire le temps consacré par nos différents demand planners”, cite également Gaël Demenet.

Les applications se situent aussi dans le domaine de l’innovation et de la R&D. A un horizon plus lointain, Bel s’efforce de modéliser le vieillissement de ses produits dans le but, à terme, d’étendre la date limite d’utilisation optimale (DLUO) et par ce biais de lutter contre le gaspillage alimentaire.

 

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