Délocalisations, relocalisations ?

Publié le par Jacques SAMELA.

Après la mode des délocalisations, assisterons-nous à celle des relocalisations ?

Oui, même si la dynamique n’est pas encore aujourd’hui à même de surpasser un mouvement largement destructeur d’emplois. Car, ne l’oublions pas, les délocalisations, permettant certainement à de nombreuses entreprises de ne pas disparaître, car synonyme de coûts de production moindre, et donc de compétitivité préservée vis-à-vis des pays émergents, ont par-contre enclenchées une série non négligeable de plans sociaux plus ou moins médiatisés, au détriment quand même d’informations plus positives, d’où l’idée de ce blog, rendant donc la situation de l’industrie française encore plus compliquée, car déjà en perte de vitesse depuis de nombreuses années. On passera donc d’un savoir-faire qualitatif à un savoir-faire quantitatif.

Seulement, après plusieurs années d’expériences, plusieurs entreprises décident de faire le chemin inverse. En effet, au-delà d’une main d’œuvre toujours aussi peu chère, la question aujourd’hui, est de savoir si les critères qui ont poussés hier ces entreprises à délocaliser sont toujours d’actualités ?

Pas sûr, et prenons le cas de deux entreprises ayant fait ce double chemin.

Le premier concerne donc l’entreprise Loiselet (www.loiselet.com), spécialisée dans le domaine de la fonderie, et dont justement la fermeture de son site de production à Nogent-Le-Roi (Eure et Loire) en 2001 au profit d’une unité de production en Chine, permit à l’entreprise de ne pas disparaître. Seulement, après quelques années, son jeune PDG, Sylvain Loiselet, peu satisfait de sa situation, envisagea un autre scénario. En effet, après mûres réflexions, une analyse objective des coûts réels, en sept points (prix, qualité, technicité et équipements, réactivité et stock, métallurgie, environnement et proximité), il s’avèrera qu’un retour en France ne serait pas une erreur, au contraire.

Et, après avoir déterminé que la matière première, importée d’Europe, était plus couteuse car l’acheminement et la tva étaient plus élevés, que le transport des produits finis, coutaient eux environ 1 millions d’Euros par an, que la durée des voyages obligeait l’entreprise à disposer d’un stock important en France, soit une immobilisation de près de 2,5 millions d’Euros, et surtout, que la qualité des produits restait inférieure aux standards européens, le choix fût donc de fermer l’unité de production en Chine, pour créer un nouveau site à Dreux cette fois-ci, considéré comme le plus compétitif.

Ensuite, pour accompagner ce retour, Loiselet est devenue la première entreprise à bénéficier d’une aide à la ré-industrialisation dans le cadre des investissements d’avenir sous la forme d’un prêt à taux zéro de 6,5 millions d’Euros, et l’entrée dans le capital à hauteur de 17 % du Fonds stratégique d’investissement (FSI). Et, grâce à cet apport, l’entreprise à put investir dans un outil industriel moderne, ce qui permit à son dirigeant de dire qu’aujourd’hui, avec une seule personne, il fabrique autant qu’avec une dizaine de personnes. Et le résultat ne s’est pas fait attendre, car aujourd’hui, son carnet de commande lui assure près de trois ans d’activités.

Le second, concerne quant à lui la marque de luxe Mauboussin (www.mauboussin.com) qui en 2002, décida de délocaliser la fabrication de ses bijoux en Asie, choquant au passage ses principaux concurrents, et qui douze ans plus tard décida lui aussi de faire le chemin inverse en rapatriant d’abord 20 % de sa production en France, avec comme souhait et objectif de viser d’ici 2016 les 50 % et donc de retravailler avec des sous-traitants du crus, privilégiant justement la qualité à la quantité, mais également d’améliorer les délais de production, le service après-vente et les procédures de contrôle.

Et heureusement, les exemples ne manquent pas, car que ce soit le groupe Rossignol (www.rossignol.com), la coopérative Atol (www.opticiens-atol.com), ou encore Lectra (www.lectra.com), leurs choix et leurs stratégies ont été plus que positifs avec des retours largement payants en termes d’emplois, d’innovation, et surtout de compétitivité.

Mais, pour comprendre l’enjeu véritable d’une relocalisation, il faut déjà savoir qu’il en existe trois types, qu’elles sont suivi de logiques économiques, et que douze leviers d’actions sont obligatoires pour réussir le processus.

Commençons donc par les relocalisations d’arbitrage. Elles sont opérées par les grands groupes, et interviennent plutôt à l’occasion du lancement d’un nouveau projet, d’une technologie innovante ou d’une nouvelle gamme de produits.

Ensuite, les relocalisations de retour. Consécutives à des délocalisations, elles reposent sur des déceptions documentées et l’évolution des marchés, ou des positionnements de l’entreprise sur ces mêmes marchés, mais aussi sur des opportunités d’investissements en France comme le rachat d’un concurrent ou d’un partenaire, la mise en place d’un nouveau procédé ou d’une nouvelle technologie.

Et, pour terminer, les relocalisations de développement compétitif. Résultat d’une étude de terrain après une délocalisation à l’étranger avant que la relocalisation puisse être envisagée dans une étape dite de maturité et d’approfondissement des positions de marchés ainsi établies.

Ensuite donc, les logiques économiques, qui au nombre de cinq, détermine l’envie ou pas de passer à l’étape suivante. Les voici :

1/ Les logiques d’optimisation de la production, dont le but est de saturer les sites existants dans une logique de développement de la production ou d’optimisation des capacités de production ou de recherche.

2/ Les logiques de repositionnement dans la chaine des valeurs, passant par l’intégration et l’optimisation de la chaine de valeur de l’entreprise, dans un esprit de renouvellement des gammes, de l’innovation et de l’amélioration de la rentabilité.

3/ Les logiques de sécurisation d’un écosystème qualitatif et créatif, nécessitant un écosystème fiable et de qualité, impliquant un réseau actif de sous-traitants, de fournisseurs et de services inhérents à toute activité industrielle.

4/ Les logiques de valorisation et de communication, s’appuyant sur la valeur spécifique de la production française (Made in France), et la traduisant en communication valorisée.

5/ Certaines logiques de coûts, unissant l’ensemble des coûts associés à une production lointaine.

Et, pour finir, ces leviers d’actions que sont l’investissement, l’immobilier, le financement, l’organisation, la chaîne de réactivité, la qualité, la sécurité juridique, l’intégration dans un écosystème, le repositionnement en gamme, le développement de services associés à la production, l’innovation et la mobilisation sociale, et enfin les ressources humaines.

Quant aux instances gouvernementales, et afin d’appuyer ce mouvement, elles ont installées depuis l’année dernière le logiciel Colbert, permettant justement aux PME désireuses de relocaliser leur outil de production, de réaliser un autodiagnostic, et de simplifier les démarches inhérentes à cette opération en mois de 30 minutes.

Et, comme le disait Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), grand argentier et initiateur d’une politique industrielle sous Louis XIV, et dont le logiciel prend son nom, « si nos fabriques imposent à force de soins la qualité supérieure de nos produits, les étrangers trouveront avantage à se fournir en France, et leur argent affluera dans les caisses du royaume ».

Donc, l’idée de relocaliser des outils de production expatriés au bout du monde, avec au bout de l’emploi, de l’innovation, de la compétitivité, et d’un certain savoir-faire à la française, est un vaste chantier qui n’en est qu’à ses débuts, mais qui je l’espère, donnera des résultats plus que positifs, avec comme idée surtout, d’éviter de nouvelles délocalisations dans l’avenir.

Jacques Samela

Sources :

. L’Usine Nouvelle n°3316 du 16 janvier 2013

. J’automatise n° 89 / juillet –aout 2013.

. Le Figaro du 12 mai 2014

. Les Echos du 11 juin 2014 : Comment les usines françaises de Legrand résistent à la délocalisation).

. Synthèse : Le choix de la France « Relocalisations d’activités industrielles en France » de Monsieur Mouhoud du cabinet Sémaphores (www.semaphores.fr) / DGCIS-DATAR-PIPAME (www.redressement-productif.gouv.fr).

. Logiciel Colbert 2.0 (www.entreprises.gouv.fr).

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