Technicolor, un fringant centenaire
Certains, plus âgés, se souviendront de Thomson CSF ou Thomson Multimedia, d’autres, plus jeunes donc, non.
En effet, fondée au début du XX siècle, filiale d’un groupe américain, elle était à ses débuts, spécialisée dans les équipements de production et de distribution d’électricité, avant d’évoluer vers la fabrication de matériels électroniques et audiovisuels, avec dans les années 80, deux activités phares qui étaient l’électronique grand public (téléviseurs), et les équipements professionnels à vocation militaire.
En 2005, après une nationalisation et quelques difficultés, elle se recentre sur les services et les équipements électroniques professionnels, destinés aux secteurs des médias et du divertissement, avec en 2010, la nouvelle appellation, Technicolor (www.technicolor.com).
Aujourd’hui, elle est spécialisée dans la conception et la fabrication de systèmes de vidéo et d’images numériques destinés aux professionnels des médias, avec comme positionnement, celui de leader mondial dans le domaine du Media & Entertainment.
Et pourtant, cette société a failli disparaitre au moins deux fois en 2008 et 2012, avec des faillites évitées de justesse à chaque fois, et de sévères restructurations, passant entre temps de 25 000 salariés en 2008 à 14 000 en 2014, dont 1 200 suppressions d’emplois en France.
C’est alors que son dirigeant actuel, Frédéric Rose, confronté à un nouveau dilemme concernant le futur de sa société, c’est à dire temporiser et attendre que passe la nouvelle tempête, ou passer à l’offensive, choisi justement la seconde solution, en réalisant des acquisitions ciblées afin de gagner de nouvelles parts de marché.
Deux plans accompagneront ce choix, le premier s’intitulera « Amplify 2015 », et il aura pour but de lui permettre d’être un leader en matière de solutions de monétisation du contenu en favorisant l’innovation et le développement dans les activités de licence, en développant fortement des solutions innovantes pour se positionner sur les marchés numériques en pleine croissance, et enfin d’étendre sa couverture géographique afin d’avoir accès à un plus large champs de marchés potentiels.
Le second quant à lui, lancé en 2015, et connu sous l’appellation « Drive 2020 », aura pour but de saisir des opportunités de croissance dans le domaine du « Media & Entertainment », de créer des actifs de propriété intellectuelle (brevets) monétisables pour ce même secteur, et d’accroitre au final l’avantage concurrentiel des activités opérationnelles du groupe.
Et depuis, c’est bien cinq acquisitions qui ont été menées à termes, soit celles de la société Mr.X Inc (effets visuels pour la tv et le cinéma), Ouido productions (séries animées pour la tv), The Mill (leader mondial dans les effets spéciaux pour la publicité), Mikros (l’animation), et pour finir, MPC (effets visuels), connu elle pour ses interventions dans des films comme « L’Odyssée de Py », « Seul sur Mars », et plus récemment le remake du Livre de la jungle, et idéalement placé dans le top 3 mondial des professionnels du trucage pour le cinéma.
Cependant, ne souhaitant pas répéter les erreurs du passé, le désormais groupe Technicolor continue d’investir en R&D (250 chercheurs et 700 ingénieurs R&D), tout en déposant un nombre important de brevets (90 % de son résultat d’exploitation), devenant au passage le deuxième déposant français en Europe, confortant en cela sa présence dans les nouveaux formats de compression vidéo et le marché plus que prometteur de la maison connectée, après notamment l’acquisition pour 550 millions d’Euros de l’américain Cisco Connected Devices, mais, sans négliger pour autant d’autres pistes comme l’essor annoncé de la réalité virtuelle.
Alors, centenaire oui, mais certainement pas grabataire, car avec un Ebitda* d’au moins cinq cent millions d’Euros prévu pour la fin du plan stratégique « Drive 2020 », certainement atteint dès l’année prochaine, soit en avance de trois ans, et une pause dans les acquisitions, car tel un vieux singe à qui on n’apprends pas à faire des grimaces, Technicolor évitera de réitérer les erreurs du passé comme les cinquante-deux acquisitions en sept ans avant de frôler la faillite, et lui permettra de consolider ses acquis, avant certainement de repartir à l’offensive sur des projets d’avenir comme l’archivage, ou l’imagerie 4K (http://www.commentcamarche.net/contents/2200-la-4k-prochaine-revolution-de-nos-televiseurs).
Donc, il est fort à parier que Technicolor n’a pas fini de faire parler de lui, et que son avenir s’affichera de par le monde en couleurs, voire en technicolor.
*Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and amortization (Revenus d’une entreprise avant la soustraction des intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations).
Jacques Samela
Sources :
. Wikipedia
. L’Usine Nouvelle n° 3412 du 26 février 2015
. Les Echos du 19 novembre 2015 et du 02 février 2016
. Décideurs de décembre 2015
. Télérama n° 3457 du 13 avril 2016