Industrie & Territoires : L'Eldorado de la presqu'île guérandaise

Publié le par Jacques SAMELA.

Industrie & Territoires : L'Eldorado de la presqu'île guérandaise
Industrie & Territoires : L'Eldorado de la presqu'île guérandaise

Suite au confinement, et à l’émission « Echappées belles », que je visionnais tous les dimanches matin durant mes séances de vélo d’appartement, j’ai décidé de me rendre cet été en Loire Atlantique, où j’ai pu découvrir entre autres et avec intérêt ce que l’on appelle ici-bas l’or blanc de Guérande.

Et comme mon idée était justement de vous proposer des sujets consacrés à des territoires et leurs particularités économiques, c’est donc avec ce produit que nous connaissons tous pour l’utiliser dans nos cuisines que je commence cette nouvelle série, trouvant sa source en bordure de l’océan atlantique, situé entre les embouchures de la Loire et de la Vilaine, sur la dite presqu’ile de Guérande.

Représentés donc sous la forme de marais, salants donc, ils s’étendent sur près de 2 000 hectares, avec une première trace d’activité de récolte du sel vers l’âge de fer, ensuite au 3ème siècle avec les romains, qui l’utilisèrent comme salaire (salarium) pour payer, sous la forme de ration de sel, les légionnaires, et prolongée au 10ème siècle par les moines de l’abbaye de Landévennec, qui grâce à l’étude des marées, du vent, et du soleil, firent que cette particularité devint ce qu’elle est aujourd’hui encore, avec ses contours si particuliers. Cinq salines encore exploitées aujourd’hui trouveraient quant à elles leur origine à l’époque carolingienne.

Photo J.S
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Mais avant de continuer plus en avant, je souhaite vous présenter le processus menant à l’élaboration du sel, qu’il soit sous forme de gros sel(1), de sel fin (2), ou de fleur de sel (3), considéré comme le caviar de cette production locale.

Donc pour commencer, l’océan atlantique pénètre durant les grandes marées les nombreux bras de mer appelés les traicts, remonte par la suite un système de canaux appelés les étiers, avant de finir sa route dans différents bassins appelés eux des vasières, premiers de plusieurs autres appelés eux cobiers, fares et adernes, servant de bassins d’évaporation et de réserves journalières pour alimenter les derniers bassins dans la chaine de production, connus sous le nom d’œillets.

Et ce sont donc dans ces œillets que le sel se cristallise avant d’être travaillé par l’exploitant de ce terrain agricole, car cela en est un, que l’on appelle un paludier ou cueilleur de sel, récoltant toujours le sel comme autrefois, à l’aide notamment d’un outil en bois appelé le Las, lui permettant de pousser le sel sur le bord des bassins, et ensuite sur une surface en argile, dédiée à cet usage, afin que le sel recueilli puisse s’égoutter pendant la nuit, prêt le lendemain à être rajouté à un tas beaucoup plus grand, en attente lui d’être enlevé pour finir dans les usines de transformation, et ensuite sur nos tables

Photos J.S
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Alors, il faut savoir que des marins salants ils en existent également ailleurs en France (www.selsdefrance.org), ce qui fait que le secteur dans son ensemble représente près de 4 500  emplois directs et indirects, avec depuis quelques années une baisse généralisée des exportations, surtout en Europe, dû certainement à l’attention particulière des consommateurs d’aujourd’hui sur une utilisation massive de sel et ses conséquences sur la santé.

Mais pour revenir à Guérande, ce sont près de 80 collaborateurs et plus de 200 paludiers qui y animent encore l’extraction et la production du sel sur ce territoire, avec bon an mal an,  près de 13 000 tonnes de sel recueilli, représentant au final un chiffre d’affaires annuel de 25 millions d’Euros. A l’échelle individuelle, un paludier guérandais produit en moyenne à lui tout seul entre 60 et 90 tonnes de gros sel, et de 2 à 3 tonnes de fleur de sel par an.
 

Seulement voilà, cette activité de plein air est bien évidemment soumise aux aléas de la nature, de plus en plus capricieuse, et pas seulement causée par la mer. Car par exemple, après de fortes pluies, il faut savoir que c’est une semaine de travail qui se perd à chaque fois, et paradoxalement, les périodes de sécheresses, que nous vivons depuis un certain temps, n’amènent pas toujours des désagréments, car cette année, avec celle survenue en juillet, la récolte était même plutôt en avance, puisqu’au moment de ma visite, mi-août, elle était déjà en attente pour être traitée et transformée, permettant finalement aux exploitants de préparer bien en avance la prochaine saison, peaufinant et réparant au mieux leur outil de travail.

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Comme quoi, le réchauffement planétaire, si cela est bien cela, peut avoir aussi du bon, même si à moyen ou long terme, la question de la montée des eaux, attendue, se posera de toute manière, obligeant les acteurs à se poser (doublement donc) les bonnes questions, ce qu’ils ne manquent pas de faire dès à présent, avec le souhait justement  de relever très prochainement de plus d’un mètre les digues du marais salant,  installées là pour la protection des salines entre le XVIIème et le XVIIIème siècle, et fortement endommagées durant la tempête Xynthia de 2010.

Mais comme à leur habitude, loin de baisser les bras, les exploitants souhaitent plus que tout pérenniser pour de très nombreuses années leur activité, ce qu’ils firent par déjà par le passé, où un projet de marina et de rocade routière était en passe l’air de rien de détruite ce patrimoine vivant, mais finalement abandonné, car que ce soit justement les exploitants, accompagnés par des riverains, des écologistes du cru, ainsi que des universitaires, ils réussirent en se fédérant à combattre ce projet fou, pour obtenir après d’âpres batailles, une victoire éclatante, complétée en 1972, par la création d’ un regroupement d’une centaine de paludiers sous l’appellation « Le Guérandais », obtenant par la suite , en 1988, le statut de coopérative agricole, et en 2012, la consécration, avec l’obtention de l’IGP (Indication géographique protégée), sous la double appellation « Sel de Guérande » et « Fleur de sel Guérande ».

Et depuis, ces produits sont vendus dans plus de 50 pays.

Donc, pérenniser pour de très nombreuses années, voire quelques siècles encore, afin que justement cette spécificité régionale s’éternise dans le temps, voici donc ce qu’est et sera la mission première de ces hommes et de ces femmes, travaillant chaque jour les pieds dans l’eau pour le bonheur de nos papilles.

Et  comme le disait Jules César, Alea Jacta Est (les dés sont jetés), tout doit rester tel quel dans ce petit territoire de France,  si particulier, et pour l’éternité. On peut faire confiance à ceux qui le façonnent chaque jour.

1/ Le gros sel est un sel marin provenant directement de l’eau de mer. Sa structure à gros grains permet de le distinguer des autres types de sel. Pour cause, les grains du gros sel ont un diamètre pouvant aller jusqu’à 6 millimètres. On l’obtient par évaporation de l’eau de mer, plus celle-ci est lente et plus les grains de sel seront gros. Après évaporation, le gros sel peut être lavé, tamisé et raffiné. Contrairement à la fleur de sel et bien qu’il en existe différentes variétés, le grain de gros sel est dur, sec, légèrement translucide et nacré. Certaines variétés de gros sel non raffinées et non lavées ont une couleur qui se rapproche du gris cendré. Comme les autres variétés de sel, le gros sel est composé majoritairement de chlorure de sodium. www.cuisineaz.com   

2/  Sel séché et broyé finement. Il est blanc ou gris et souvent non complètement sec si c'est du sel de salins et blanc et très sec s'il s'agit de sel gemme de salines. www.encyclopedie.fr

3/ La fleur de sel est formée de petits cristaux qui se forment à la surface des marais salants les jours où l'évaporation est importante. Ces cristaux blancs peuvent prendre une teinte légèrement rosée ou violette, ceci étant dû notamment à une algue rouge microscopique, la Dunaliella. Contrairement au sel, qui est de forme cubique, la fleur de sel est légèrement pyramidale.
La fleur de sel est ramassée avec précaution à l'aide d'un râteau en bois de châtaignier, la lousse, puis mise à sécher au soleil. Traditionnellement, la fleur de sel était ramassée par les femmes. www.marmiton.org

Jacques Samela

 

Sources :

. www.leguerandais.fr

. www.selsdefrance.org

. https://actu.fr/pays-de-la-loire/guerande_44069/guerande-salicornier-l-autre-cueilleur-des-marais-salants_36118691.html

 

Vu et lu dans Le Parisien Weekend n° 23636 du 28/08/20

Vu et lu dans Le Parisien Weekend n° 23636 du 28/08/20

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